G.K. Chesterton, L’homme et l’oeuvre

« G.K. Chesterton a été le meilleur écrivain du XXème siècle. Il a dit quelque chose à propos de tout et l’a dit mieux que n’importe qui. Mais il n’était pas qu’un simple écrivain. Il avait le verbe facile, et plus important encore, il avait quelque chose d’intéressant à dire. La raison pour laquelle il a été le plus grand écrivain du XXème siècle et qu’il a été aussi le plus grand penseur du XXème siècle. »

1 – Quelques éléments biographiques

Né à Londres, le 29 mai 1874, Chesterton a suivi les cours de la St Paul’ School (une très bonne école de Londres). Il fit ensuite des études dans le domaine de l’art. En 1900, on lui donna l’occasion de contribuer à quelques articles de critique d’art, et il devint peu à peu l’un des auteurs les plus prolifiques de son temps.

Il a écrit une centaine de livres, contribué à plus de 200 autres, écrit des centaines de poèmes, 5 pièces de théâtres, 5 romans, et quelques 200 nouvelles, comprenant la série populaire mettant en scène le prêtre-détective, le Père Brown (le premier recueil des enquêtes du Père Brown en français fut publié en 1914 aux éditions Perrin sous le titre L’Abbé Brown, puis republié en 1919 – la Première Guerre  mondiale étant achevée – aux mêmes éditions sous le titre La Clairvoyance du Père Brown).

Malgré sa réussite littéraire, il se considérait avant tout comme un journaliste. Il a écrit plus de 4000 articles de journaux, incluant 30 ans de participation hebdomadaire aux colonnes de the Illustrated London News, et 13 ans à celles du Daily News. Il a aussi créé son propre journal, G.K.’s Weekly. (Pour vous donner une idée, 4000 articles est l’équivalent de l’écriture d’une dissertation par jour, tous les jours, pendant 11 ans. Sachant que celles-ci doivent être bonnes, aussi drôles qu’elles sont sérieuses, et lisibles et dignes d’intérêt un siècle après avoir été écrites… et bien sûr cela ne concerne que les articles…).

2 – Une œuvre saluée par ses pairs…

Chesterton a également écrit plusieurs biographies. Celle sur Charles Dickens causa un renouveau de l’intérêt populaire et académique pour l’œuvre de cet auteur. Il a également écrit une biographie de Saint François d’Assise (1923 – 1979), une autre de Saint Thomas d’Aquin (1933 – 1935). De cette dernière, Etienne Gilson dira : « Je la considère comme le meilleur livre écrit sur St Tomas ».

L’œuvre de Chesterton a reçu des éloges de la part d’auteurs tels que : Ernest Hemingway, Kafka, Paul Claudel, George Orwell, Agatha Christie, Orson Welles… pour citer les plus connus.

Chesterton était aussi à l’aise avec la littérature, qu’avec la critique sociale, l’histoire, la politique, l’économie, la philosophie ou encore la théologie. On ne peut pas manquer son style : toujours marqué par l’humilité, la cohérence, le paradoxe, l’esprit et l’émerveillement. Ses écrits restent aussi opportuns et aussi éternels aujourd’hui que la première fois qu’ils ont été publiés.

3 – … et source de conversions

Chesterton était grand (1,93 m) et de forte corpulence (il dépassa 130 kg). Il portait habituellement une cape, une canne-épée, avait continuellement un cigare à la bouche. Un jour, il fit la remarque suivante à son ami George Bernard Shaw : « À vous voir, tout le monde pourrait penser que la famine règne en Angleterre » ; à quoi Shaw aurait rétorqué : « À vous voir, tout le monde pourrait penser que c’est vous qui en êtes la cause ». Il oubliait fréquemment où il était censé se rendre et on rapporte qu’à plusieurs reprises, se trouvant dans un lieu éloigné, il envoie à sa femme, Frances Blogg -qu’il avait épousée en 1901-, un télégramme où il écrit : « Suis à Market Harborough. Où devrais-je être ? », auquel elle répond : « À la maison ». Son épouse veillait à chaque détail, car il prouvait sans cesse qu’il n’était pas capable de le faire lui-même.

                    a. C.S. Lewis

Ce tête-en-l’air, cet homme grand et bien en chair, qui rigolait à ses propres blagues et amusait les enfants dans les fêtes d’anniversaire en jetant des haricots en l’air et en les rattrapant dans sa bouche, et bien c’est cet homme qui a écrit un livre intitulé l’Homme Eternel. Un livre qui mena un jeune athéiste à devenir chrétien. Cet homme, c’est Clive Staples Lewis, mieux connu sous le nom de C.S Lewis, qui a écrit les Chroniques de Narnia parues entre 1950 et 1957. Dans une lettre, il écrit : « La meilleure (et de loin) défense populaire du christianisme que je connaisse est L’Homme éternel de G. K. Chesterton ». Lewis était un ami très proche de J. R. R. Tolkien, l’auteur du Seigneur des anneaux, aux côtés duquel il a enseigné à la faculté de littérature anglaise de l’université d’Oxford. Partiellement en raison de l’influence de Tolkien et surtout de la lecture de G. K. Chesterton, Lewis s’est converti au christianisme, devenant, selon ses propres termes, « un très ordinaire laïc de l’Église d’Angleterre » ; cette conversion a eu de profondes conséquences sur son œuvre.

                    b. Sir Alec Guinness

Autre anecdote, Sir Alec Guinness (1914-2000) fut l’un des plus brillants acteurs britanniques du XXème siècle qui incarna, sur scène, à l’écran et même à la télévision, un nombre prodigieux de personnages, parmi lesquels le fameux Obi Wan Kenobi de Star Wars. Mais bien avant cela, il se mit dans la peau du Père Brown dans le film éponyme réalisé par Robert Hamer, qui sortit sur les écrans britanniques le 8 juin 1954 (Le Détective du bon Dieu, en français).

Le choix d’Alec Guinness pour camper le personnage imaginé par G.K. Chesterton, pouvait sembler assez surprenant, car Alec Guinness fut élevé dans la religion anglicane et songea même, alors qu’il servait dans la Royal Navy, pendant la Seconde Guerre mondiale, à devenir pasteur anglican après le conflit. Mais le tournage du Père Brown allait en disposer autrement.

Le film fut tourné en France, dans un petit village de Bourgogne. Un jour, en fin d’après-midi, après que le programme de tournage des scènes prévues fut achevé, Alec Guinness rentra vers son logement, mais il avait conservé la soutane qu’il portait pour son rôle. Sur le chemin, un garçonnet vint vers lui, lui prit la main et trottina à ses côtés tout en lui parlant. Alec Guinness parlait mal le français et le petit Bourguignon pas du tout l’anglais, mais il poursuivit son babillage, jusqu’au moment où il lâcha la main d’Alec Guinness pour rentrer chez lui. Cet événement fortuit, d’autres diront providentiel, marqua profondément l’acteur : « Poursuivant mon chemin, je pensai qu’une Église capable d’inspirer une telle confiance chez un enfant, qui rend ses prêtres même quand on ne les connaît pas, si facilement abordables, ne pouvait pas être aussi intrigante ou effrayante qu’on le dit si souvent. J’ai commencé à me débarrasser des préjugés qu’on m’avait appris et que j’avais absorbés de longue main ».

Moins de deux ans plus tard, le 24 mars 1956, Alec Guinness entra dans la pleine communion de l’Église catholique. L’année suivante, son épouse, depuis 1938, suivit le même chemin ; puis, peu de temps après, le fils né de leur union, le comédien Matthew Guinness, né en 1940.

L’acteur sera un fidèle pratiquant catholique jusqu’à son dernier jour. L’habit, en quelque sorte, a fait le moine…

A venir : La Foi de Chesterton